Boucle d’or et le grand méchant loup | Cindy

Ces derniers temps, Thomas avait l’impression de ne plus être lui-même. Son habitude avait toujours été d’enchaîner les histoires d’un soir, de ne pas penser au lendemain et, surtout, de ne jamais s’engager. Depuis qu’il était arrivé au camp, il se sentait changer. Des sentiments jamais éprouvés venaient se pointer dans sa vie et ça commençait à lui foutre la trouille. Il y avait d’abord Summer, elle était son obsession. Depuis qu’ils avaient fait l’amour dans l’avion, il ne pouvait s’empêcher de penser à elle. Si on ajoutait à ça leur amitié grandissante, le pauvre Thomas ne savait plus quoi penser de leur relation. Est-ce que la colère qu’il ressentait en la voyant avec d’autres hommes était vraiment de la jalousie ? Commençait-il à s’attacher à elle ? Que de questions auxquelles il n’avait pas les réponses. Il y avait aussi Jenny, la douce Jenny. Ils avaient fait l’amour peu de temps après leur arrivée au camp et la suite avait été une suite de quiproquos avec sa sœur jumelle. Une histoire pleine de nœud à laquelle Thomas essayait de ne pas penser. Avec elle aussi il se sentait bien, d’une autre manière encore. Il sentait bien qu’elle était le genre de fille à pouvoir vous apprendre ce qu’est une vie de couple et ce que l’on peut trouvé de merveilleux dedans. Le genre de fille qui peut vous changer du tout au tout. Il préférait donc garder ses distances pour ne pas la laisser agir. Il aimait être comme il était, il ne voulait pas changer, il avait peur de changer. La dernière personne habitant ses pensées n’était pas des moindres, il s’agissait de Cindy. Dès qu’il l’avait vu, il avait voulu goûter son corps. Pourquoi ne l’avait-il pas déjà fait ? Premièrement parce qu’elle n’aurait pas forcément dit oui, mais aussi parce qu’il avait cette drôle impression en sa présence, comme s’ils étaient fait pour se rencontrer. Elle dégageait quelque chose d’indescriptible qui lui donnait la sensation de l’avoir toujours connu. Sans lui avoir jamais vraiment parlé, il savait que c’était elle. Elle dont parlait sa mère quand il était plus jeune, la femme qui révolutionnerait sa vie. Elle, vraiment ? Il n’en savait rien. Il était paumé, ne savait pas où il en était. Passer de pas de sentiments du tout à une déferlante de sentiments était un peu brutal pour lui. Voilà pourquoi il avait décidé de faire un jogging dans la forêt, il avait besoin de se retrouver un peu seul avec sa musique. Il courrait depuis une bonne heure quand il la vit, elle était entrain de dessiner, adossée à un arbre. Sans même s’en rendre compte, il venait de s’arrêter pour la regarder. Il resta ainsi un moment, profitant de son implication dans son travail pour pouvoir la regarder à son aise. Au bout d’un certain temps, il se rapprocha d’elle sans bruit et, une fois à sa hauteur, il s’adressa à elle.

« Boucle d’or n’a pas peur du grand méchant loup ? »

Une phrase des plus énigmatiques qui permettrait de la cerner un peu. On apprend beaucoup de la réaction des gens, de leur réactivité face à l’imprévu. Il avait envie de la connaître, de se confronter à l’une des personnes qui habitait son esprit depuis des jours. Il voulait se libérer et cela passait par cette rencontre. Il en sortirait peut-être différent, mais il sentait que c’était ce qu’il fallait faire.

La lumière aveuglante du jour la réveilla. Elle avait le sommeil légé. Elle ne dormait pas bien. Elle ne savait pas pourquoi. Sur l'île, elle avait un meilleur rythme de vie qu'à Londres. Cindy faisait moins la fête qu'à Londres, mais ne dormait plus assez, se réveillait au milieu de sa nuit, faisait des rêves étranges, le moindre bruit la réveillait brutalement. Elle ne comprenant pas. Elle se leva silencieusement et alla dans la douche. Le brouillard était lassant, la confusion dans laquelle elle se retrouvait tout les matins aussi. C'était crevant. Elle n'en pouvait plus. Ce rythme de fête sans réel repos la fatiguait comme jamais elle n'avait été épuisée. Sous l'eau froide de la douche, elle se vida la tête et le temps d'une seconde, elle vit le visage de Thomas. Elle sourit. C'était stupide de penser à ce jeune homme. Elle l'avait croisé à plusieurs reprises, mais ils ne s'étaient pas réellement parler. Elle en avait envie pourtant. Mais elle ne se sentait pas le courage suffisant pour l'aborder. C'était stupide. Elle avait dragué des centaines de jeunes hommes dans des centaines de soirées, comment cela se faisait-il qu'elle tombe sur un seul jeune homme qui lui arrache toutes ces armes de séduction et la paralyse dans le silence. Elle n'en avait pas la moindre idée. Mais elle n'était pas venue dans ce camp pour tomber sur ce genre de garçon. Elle le voyait comme un gentil jeune homme à qui on peut faire confiance. Un mec bien. C'était l'image qui s'était imposé depuis leur première rencontre. Dès qu'elle l'avait vu, son corps tout entier lui avait fait signe de se méfier de lui. Pas pour les mêmes raisons que lors de ses soirées londoniennes dangereuses, simplement parce qu'il semblait.. au dessus de ce qu'elle connaissait. Elle s'était donc méfié. Ne l'avait pas trop approcher et encore moins parler. Qu'est-ce que son corps avait à reprocher à ce beau jeune homme ? Elle sortit de sous l'eau enroulée dans son linge laissant ces idées sur Thomas derrière le rideau de sa douche. Ces pensées n'avaient pas de sens et Cindy avait une sainte horreur de se retrouver désarmée. Elle se changea, mini-short noir et tee-shirt violet. Les cheveux encore trempe elle attrapa son sac et se rendit dans la forêt. Depuis son arrivée dans le camp cette forêt était devenue son refuge. Elle s'y rendait les matins ou elle dormait mal, s'était réveillée en sursaut. Elle traina sa carcasse fatiguée jusqu'à un coin qu'elle adorait. Elle s'assit contre un arbre et sortit ce qu'elle avait dans son sac. Un cahier, crayon noir. Petit rituel du matin perturbé, elle dessina. Depuis quelques années, c'était devenu son échappatoire. Elle y passait un temps fou. Dessiner ce qu'elle avait pu ressentir. Ce qu'elle cachait à tout le monde et une image d'elle assez crue. Elle savait qui elle était. Tout ce qu'elle avait fait de mal, elle avait conscience de tout. Elle avait simplement décidé de rester la même.
Elle entendit des pas. C'était sur ce chemin qu'elle croisait les coureurs du matin. Les matinaux. Cindy restait un bon bout de sa matinée dans cette forêt quasiment isolée de la chaleur qui naissait à une vitesse affolante. Elle ne prêta donc pas d'importance à ces pas qui s'approchaient d'elle. Il lui adressa la parole et tout de suite elle sut qui se trouvait là, à côté d'elle. Thomas. Elle battit des cils. Releva ses yeux débordant de vert sur lui. Sourit timidement. Ne sachant pas quoi répondre. C'était stupide de bloquer. Elle arrêta ses réflexions, le naturelle lui suffirait avec lui, elle en était sûre.

J'ai hâte de voir si le loup est si effrayant.. Boucle d'or n'a peur que de la chute.. finit-elle par dire sur un ton d'enfant malicieuse.

Jouer le jeu. C'était simple et elle adorait cela. Elle lui sourit en coin, cachant sa joie de l'entendre s'adresser à elle, enfin. Il était vraiment beau. Lorsque leurs yeux s'étaient percutés, elle en eut mal au ventre. Sensation inconnue et impossible à comprendre pour elle. Elle resta calme. Le naturel l'aidait vraiment. Un petit sourire resta sur son visage.

Le méchant loup court tous les matins ? demanda Cindy, en riant.

C’était la première fois qu’ils ne se retrouvaient que tous les deux à discuter. Habituellement, Thomas était toujours entouré de ses potes et n’avait jamais l’occasion de discuter longuement avec d’autres personnes. C’était un choix de sa part, ça lui permettait de se protéger. Contre qui ? En grande partie les filles qu’il ramenait dans son lit et qui voulaient bien plus de lui le lendemain. Il s’y refusait, préférant rester dans son image de Don Juan, même si ce n’était pas la meilleure solution. Cela lui permettait aussi de rester loin de Cindy, car il sentait qu’elle avait bien plus à apporter que la plupart des cruches qu’il ramenait chaque soir. C’était peut-être cruel de les mettre toutes dans le même sac, mais il ne prenait pas la peine de les connaître et ne se basait que sur sa première impression. Thomas n’avait pas confiance, il décidait donc de voir le moins bon en eux pour ne pas être déçu. Chose qu’il ne faisait pourtant pas avec ses amis les plus proches, les rares personnes à qui il avait donné sa confiance. Eux seuls connaissaient un autre Thomas, généreux et toujours présent pour eux. Se retrouver avec Cindy dans se bois quasi désert lui demanderait une vigilance d’autant plus grande, qu’il n’avait pas vraiment d’échappatoire. Surtout que la belle semblait avoir une répartie plutôt audacieuse, ce qui lui plaisait déjà. Dès que son regard avait croisé le sien, il l’avait désiré et d’autant plus maintenant qu’il la découvrait petit à petit. Il ne répondit pas à sa première remarque, se disant juste qu’elle avait bien raison d’avoir peur de la chute. Si elle essayait d’apprivoiser le grand méchant loup, elle risquait d’être déçue. Il ne put toutefois retenir un sourire et répondit à sa question.

« On va dire qu’il s’y ait mit il y a peu de temps. C’est le meilleur moyen pour se libérer l’esprit. Ça et de la bonne musique. Toi ton truc… c’est plutôt le dessin, non ? Ce n’est pas la première fois que je te vois dessiner dans ton coin. »

Il avait gardé ce même sourire qu’il arborait à chaque fois qu’il parlait à une fille tout le long de sa réplique. Oui, Thomas l’avait observée et même longuement. Chaque fois qu’il pouvait la regarder sans que ses potes ne lui posent de questions embarrassantes, il le faisait. Cette fille était tout simplement magnifique. Ses boucles blondes lâchées sur ses épaules, ses yeux noisettes toujours pétillants et ce petit côté rêveur qui lui laissait penser qu’elle aussi avait des vieux démons qu’elle essayait de contenir au fond d’elle-même. Sans réellement comprendre pourquoi, il se sentait proche de cette fille plus qu’aucune autre sans lui avoir parlé. Ce n’était pas comme avec Summer ou Jenny, Cindy lui donnait l’impression qu’ils s’étaient toujours connus. Ce n’était pas pour autant qu’il acceptait de dire qu’il avait eu un coup de cœur pour elle ou qu’il l’appréciait plus que Summer ou Jenny, mais il sentait bien que leur relation serait différente des autres. Il la regardait toujours avec ce même air amusé, se retenant d’observer ses dessins. Ils l’avaient toujours intrigué. On apprend beaucoup d’un artiste en regardant ou écoutant ses compositions. Son jogging l’avait mené à elle, c’était peut être le signe qu’il était temps d’apprendre à se connaître.

« Je peux m’assoir à côté de toi ? Avec un peu de chance tu me laisseras voir quelque uns de tes dessins, histoire que je vois à qui j’ai à faire. Qui sait si le grand méchant loup ne se cache pas derrière tes petites boucles blondes. »

Il lui fit un clin d’œil et attendit son accord avant de s’assoir.